Le rire du grand blessé par Cecile Coulon

Dans une société futuriste et totalitaire,  la littérature s'est réduite à peau de chagrin : désormais calibrés selon  4 genres (livre frisson, livre haine, livre fou rire et livre tendresse) et n'excédant pas 110 pages, les livres ainsi produits par une maison des mots toute puissante sont lus dans des manifestations à haut risque. Celles-ci se tiennent à intervalle régulier dans  des stades bondés de milliers de spectateurs survoltés et surveillés par des gardes, parfois épaulés par des molosses.
Tous issus d'un milieu très pauvre, les agents se doivent d'être illettrés et de le rester. D'ailleurs, ils perdent leur nom au profit d'un matricule lorsqu'ils entrent dans le système.

Parmi cette caste, 1075 est un agent de la sécurité nationale exemplaire. Il n'a aucune faiblesse connue, son travail est toujours parfait, il est à la fois envié et craint par ses pairs.
Lui n'aspire à rien d'autre qu'à la perfection. Il ne pense pas et ne ressent absolument rien même s'il a des moments de colère rentrés en lui : il a décidé de couler une chape de béton sur ses souvenirs et de ne jamais se retourner sur son passé.
Rien ne saurait le faire douter et vaciller ; rien, sauf un caillou venant s'engouffrer dans cet engrenage parfait.
C'est ainsi que lors d'une manifestation à haut risque, il se fait mordre par un des molosses et est obligé de rester 15 jours à l'hôpital. Tout d'abord frustré de cette situation, son inactivité le pousse à franchir le seuil de sa chambre. C'est là qu'il tombe sur le petit caillou remettant en cause toutes ses certitudes. 

Pour moi, ce roman est un mélange de Farenheit 451 de Ray Bradbury et de 1984 de Georges Orwell. La société totalitariste imaginée par l'auteure est glaçante et terrifiante. La déshumanisation des agents y est portée à son paroxysme, tandis que la littérature est réduite à sa plus simple expression : celle de déchaîner les passions les plus primaires des hommes.
Cécile Coulon montre avec justesse comment cette société a pu se mettre en place, insidieusement, en reprenant des idées au début pensées comme  humanistes,  mais poussées à l'extrême par un régime sans scrupule et manipulateur : le résultat n'en est que plus effrayant. Les foules n'expriment leurs passions qu'à travers ces grands spectacles proches du cirque, veillés par des agents "robotisés" car illettrés.

Mais ce récit est-il si loin de la réalité ?

Je vous invite également à venir feuilleter son premier roman :
- Le roi n'a pas sommeil

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